Lorsque j’étais assistante maternelle, j’ai lu « Vivre en crèche : remédier aux douces violences » de Christine Schuhl. Ce livre m’a vraiment interpellée car j’ai réalisé à quel point on pouvait faire subir, sans le vouloir, ces « douces violences » aux enfants. Même moi qui suis une adepte de la parentalité bienveillante, j’ai réalisé que je tombais quelquefois aussi dans ces travers. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Qu’appelle-t-on les « douces violences » ? Je t’explique tout dans cet article, exemples à la clé ! 🙂
Table des matières
Définir les termes de « violence » et « douce »
Le Petit Larousse (1999) décrit la violence comme « l’extrême véhémence, outrance dans les propos, le comportement ». Tandis que l’adjectif « douce » signifie « qui manifeste de la douceur, de la bonté, de la gentillesse » ou encore « qui procure une sensation agréable, un sentiment de bien-être ».
Schuhl C. associe ces deux termes pour nommer les gestes et les maladresses verbales de l’adulte envers l’enfant. Elle précise que « ce n’est pas de la maltraitance » mais que « c’est une sorte de ressenti immédiat que l’adulte va faire vivre à l’enfant sans forcément prendre conscience de ses conséquences ».
Que sont les douces violences ?
Ce sont des instants brefs et fréquents où l’adulte se laisse « emporter » par un jugement, un a priori, une étiquette, un geste brusque cela pouvant faire obstacle au développement de l’enfant. Ces attitudes ne sont pas prodiguées dans l’intention de lui nuire, mais plutôt pour l’éduquer ou par inconscience.
Des gestes maladroits et incongrus, des jugements de valeurs, des paroles blessantes, des a priori, sont autant de moments brefs et fréquents qui mettent l’enfant en « situation d’insécurité affective ». Bien que l’adulte n’agisse pas dans l’intention de nuire à l’enfant néanmoins ce dernier subit ces actes irréfléchis et inadéquats comme une « douce violence ».
Liste des douces violences adaptées au quotidien d’une famille
Dans notre comportement
- Parler de ton enfant à la troisième personne, alors qu’il est au milieu de la transmission.
- Faire des transmissions essentiellement négatives.
- Critiquer ouvertement un proche de la famille devant ton enfant.
- Appeler ton enfant uniquement par des surnoms ne respectant pas sa véritable identité.
- Juger par la dévalorisation.
- Moucher ton enfant sans le prévenir.
- Forcer ton enfant à faire un bisou.
- Ne pas respecter les différentes étapes de sa motricité
- Crier par réflexe lorsqu’il fait une bêtise
Le jeu
- Forcer ton enfant à faire une activité.
- Presser ton enfant, lui mettre la pression pour qu’il se dépêche.
- Commenter négativement les acquisitions de ton enfant.
- Comparer tes enfants entre eux.
- Ne pas laisser ton enfant emporter un jouet qui lui tient à cœur lors des sorties.
- Culpabiliser ton enfant parce qu’il refuse de faire une activité. « t’es nul, tu sais pas ce que tu loupes ! »
- Se moquer de ton enfant qui perd un jeu
- L’enfant est en train de jouer dans un parc et là, tu en a marre, tu as froid et tu veux rentrer. Bien sûr, ton enfant n’est pas d’accord et là tu lui dit : « bon …. moi je m’en vais au revoir » tu fais semblant de partir.
- Rectifier ou finir son dessin/bricolage.
Le repas
- Forcer ton enfant à manger.
- Supprimer le dessert si ton enfant ne termine pas ce qu’il a dans son assiette.
- Faire du chantage.
- Mettre ton enfant au lit s’il ne veut pas manger.
- Empêcher ton enfant de dormir parce que c’est l’heure du repas.
- Empêcher ton enfant de manger tout seul parce qu’il va se salir.
- Critiquer la nourriture devant ton enfant que l’on forcera à terminer.
- Mélanger tous les aliments dans son assiette.
- Laver le visage de ton enfant avec un gant d’eau froide, sans le prévenir, par derrière.
- Lui attacher la serviette autour du cou en lui baissant la tête.
- Racler systématiquement la bouche de ton enfant avec la petite cuillère.
Autour du soin
- Parler entre adultes durant un change dans l’ignorance de ton enfant.
- Faire des commentaires sur l’hygiène de ton enfant, sur son anatomie, sur ses petits maux « chochotte va ! »
- Ne pas parler à ton enfant durant le change.
- Prendre ton enfant pour le changer sans le prévenir.
- Dire à ton enfant qu’il est sale, qu’il pue.
- Empêcher ton enfant d’aller aux toilettes.
- Laisser longtemps ton enfant sur le pot, jusqu’à ce qu’il y ait quelque chose dedans.
- Gronder ton enfant qui a fait caca, alors que tu venais juste de le changer.
- Parler devant tout le monde d’un souci concernant ton enfant.
Le sommeil
- Forcer ton enfant à dormir.
- Laisser ton enfant hurler seul dans son lit à barreau.
- Ne pas coucher ton enfant lorsqu’il a sommeil.
- Réveiller rapidement ton enfant qui dort sans explicitation.
- Discuter à haute voix alors que votre enfant essaie de s’endormir ou dort.
- Laisser ton enfant dans son lit lorsqu’il est bien réveillé parce que tu es occupée.
Pour ma part, je me retrouve dans certaines de ces situations. J’ai déjà raclé la bouche de mon enfant avec une cuillère. Je lui ai mis la pression pour qu’il se dépêche… et j’ai déjà parlé de lui alors qu’il est à côté. Eh oui, on n’est pas infaillible, même avec la meilleure volonté du monde !
L’essentiel est de prendre conscience de ces petits travers pour apprendre à les corriger. Et je n’ai pas écrit cet article dans le but de nous culpabiliser. Au contraire il s’agit de se questionner afin de s’ajuster en fonction des compétences de son enfant.
« Soyez avec un enfant comme devant une personne de marque, respectueux de lui et de son devenir »
Françoise Dolto
Pour en savoir plus, je vous conseille de lire ce livre de Christine Schuhl « Vivre en crèche, remédier au douces violences« .
Cet ouvrage, synthèse d’observations et de formation, permet de reposer la question de l’organisation des structures d’accueil de la petite enfance. « Je crois que ce livre offre à la fois un grand nombre de clés de lecture propres à affiner la prise de conscience de chacun, mais aussi des pistes d’actions, tant individuelles que collectives, permettant d’être plus attentifs encore à tous ces « petits moments » de la vie quotidienne qui, d’apparence banale, peuvent être bien difficiles à supporter ! » Extrait de la préface de Jean Epstein Un livre frais qui ose poser sereinement les questions relatives à l’accueil des jeunes enfants en collectivité. C’est un livre que tous les professionnels de la petite enfance devraient lire, pour que les journées de nos bambins en collectivité se passent encore mieux !